6 ingrédients essentiels pour une mobilité partagée inclusive

06/01/2025

La mobilité partagée peut contribuer à lutter contre la précarité liée à la mobilité. Elle n’est cependant pas encore accessible à tous aujourd’hui. Comment mettre en place une offre inclusive ? Voici les enseignements de six organisations expérimentées, en Flandre et à Bruxelles.

Avant toute chose : les personnes en situation de précarité liée à la mobilité ont des profils très divers. Certaines vivent à la campagne et dépendent de la voiture. D’autres vivent en ville et dépendent des transports en commun. Parmi eux, des jeunes, mais aussi des personnes âgées. Selon Mobiel21, il n’y a de véritable inclusivité que si « tout le monde connaît les différentes options, peut et veut les utiliser, et en perçoit les avantages. » 

Concrètement, bon nombre d’obstacles empêchent les gens de recourir à la mobilité partagée. Ces six obstacles ont été identifiés dans l’étude de Mobiel21 : 

  • Obstacles financiers
  • Visibilité de la mobilité partagée et localisation de l’offre
  • Connaissance de la mobilité partagée : savoir qu’elle existe et comprendre comment elle fonctionne
  • Compétences : non seulement les compétences numériques, mais aussi, par exemple, oser rouler avec un vélo cargo partagé
  • Concept de mobilité partagée : utiliser quelque chose qui ne vous appartient pas implique de dépendre d’autres personnes
  • Fonctionnement du système de partage : par exemple, comment réserver, ouvrir et fermer un véhicule…

Pour surmonter ces obstacles, les décideurs politiques, les prestataires et les organisations de la société civile doivent collaborer : chacun assume ses responsabilités pour rendre la mobilité partagée plus inclusive. 

1. Participation

C’est évident, mais cela vaut la peine d’être souligné : il faut écouter les utilisateurs potentiels pour savoir à quels obstacles ils sont confrontés. SAAMO Limburg étudie si et comment la mobilité partagée peut être intéressante pour les habitants de logements sociaux. L’objectif est de formuler des recommandations politiques pour les autorités locales et de les convaincre d’investir dans la mobilité partagée.

SAAMO Limburg est en train de clôturer la phase d’étude, après avoir réalisé 100 enquêtes et 50 entretiens approfondis. Qu’en ressort-il ? Le principal obstacle est que les gens ne connaissent pas le concept de mobilité partagée, et ne savent donc pas quels véhicules ils peuvent utiliser près de chez eux. Il reste donc du pain sur la planche pour mieux faire connaître la mobilité partagée par différents canaux. Une autre conclusion est que la mobilité partagée se combine le mieux avec le leasing de vélos. Il arrive en effet qu’un vélo électrique soit la meilleure solution pour se rendre au travail.

2. Un point de contact local

Community Land Trust Brussels (CLTB) propose depuis peu des voitures électriques partagées aux habitants du quartier social Arc-en-Ciel à Molenbeek. Ces derniers ont naturellement de nombreuses questions liées à l’offre, mais Clem (le prestataire) et CLTB souhaitent aussi mieux comprendre leurs besoins et résoudre rapidement les petits problèmes. Conclusion : il faut un point de contact local. Quelqu’un qui veille à ce que les voitures soient propres et chargées, qui assure le suivi des éventuels dommages et qui accompagne les habitants qui s’initient à la mobilité partagée. Idéalement, deux personnes devraient remplir ce rôle, moyennant rémunération. Actuellement, deux habitants suivent une formation pour devenir points de contact locaux. 

3. Une offre à grande échelle

Pour l’intercommunale SOLVA, il est important de lancer d’emblée une offre importante et fiable. Ce n’est pas pour rien qu’elle parle de « big bang ». En 2020, SOLVA a lancé simultanément 30 voitures électriques partagées dans 15 villes et communes. En 2024, le « big bang » du système de vélos partagés s’est produit, avec pas moins de 366 vélos électriques partagés, sur 74 sites. 

Le grand avantage ? Un lancement à grande échelle requiert une campagne de communication de grande envergure, dont les bénéfices se prolongent dans le temps. De plus, cela génère immédiatement une offre fiable et accessible, ce qui aide à promouvoir la mobilité partagée. 

Le succès est évident : en 2020, les voitures partagées réalisaient 100 trajets par mois ; quatre ans plus tard, elles en font 1 000 par mois. Le nombre de voitures partagées a également augmenté, passant de 30 à 110 dans la région. Les vélos partagés ont également dépassé les attentes : en trois mois, ils ont été utilisés 25 000 fois et ont parcouru ensemble 140 000 km. 

4. La perspective de l’utilisateur

La mobilité implique toujours un alignement entre environnement et utilisateur : ce n’est pas parce qu’il y a une offre déterminée que les gens s’en servent. L’offre doit être adaptée à l’utilisateur. C’est la grande leçon de Traject qui, en collaboration avec la ville de Malines et Woonland, a mené une étude sur la manière de rendre plus mobiles les habitants des logements sociaux, tout en réalisant un transfert modal. 

Traject a mené une enquête approfondie, de porte-à-porte. Elle a notamment sondé le public sur les défis spécifiques en matière de mobilité, les expériences de mobilité partagée, la disposition à partager une voiture privée et à payer pour une voiture partagée. Ces résultats ont permis de dégager des recommandations, qui varient aussi beaucoup d’un endroit à l’autre. Dans un quartier, il faudrait principalement des box à vélos, des arceaux et des bornes de réparation de vélos. Dans un autre, une place de stationnement du quartier devrait être réservée à une voiture en zone cambio, et des sessions d’information sur l’autopartage entre particuliers pourraient être organisées.

5. Moins d’obstacles numériques

Une application pour les transports publics, une autre pour les vélos partagés, encore une pour les vélos cargo partagés, une quatrième pour les voitures partagées… Cela devient vite une jungle numérique dans laquelle tous les utilisateurs ne se retrouvent pas facilement. Pour Monkey Donkey, fournisseur de vélos cargo partagés à Bruxelles, il faudrait absolument une seule application, intégrant tous les systèmes. Une application MaaS, donc, simple, accessible, rapide et opérant sur plusieurs plateformes. De nombreux grands acteurs sont toutefois encore trop attachés à leur propre plateforme, et une telle application intégrée n’est pas encore pour demain.

6. Passerelles 

Pour Beweging.net, la mobilité partagée n’est pas purement une question de mobilité. Elle relie des personnes qui, autrement, ne se croiseraient pas. La mobilité partagée génère ainsi des collaborations qui lèvent les obstacles. Les personnes en situation de vulnérabilité voient leur réseau s’élargir. Selon Beweging.net, l’ingrédient clé est donc la passerelle, qui offre une vue d’ensemble sur le tissu social. Qu’il s’agisse de la bébéthèque, de la vélothèque ou de la bibliothèque d’outils Tournevie, ces intermédiaires savent à quelles portes frapper pour promouvoir la mobilité partagée. Des personnes poussées par la nécessité financière y croisent déjà des individus animés par certains idéaux. Nul besoin de créer de nouvelles plateformes de mobilité partagée. Il suffit d’utiliser celles qui existent déjà.

Cet article est le fruit de présentations données lors de la Journée d’inspiration de la mobilité partagée inclusive, organisée dans le cadre du Green Deal Deelmobiliteit et Wonen et du Green Deal Inclusive Carsharing.

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